Le temps-écrans des enfants cause problèmes. Un réseau d’action voit le jour aux États-Unis

Congrès de fondation réussi et précédent historique !
Longue vie au Children’s Screen Time Action Network


Le compte-rendu ci-dessous est une version traduite et adaptée d’un communiqué intitulé
Conference Highlights.

Le Réseau d’action sur le temps-écrans a vu le jour les 20 et 21 avril 2018 dans la ville de Boston. Le réseau possède son site internet : Children’s Screen-Time Action Network. (CSTAN)
Les préparatifs avaient débuté en octobre 2017 sous la direction de Madame Jean Rogers, au nom de l’association
CCFC, acronyme de Campaign for Commercial-Free Childhood. /(Campagne pour une enfance libre de publicité).
Depuis 2004, la CCFC est responsable d’animer aux États-Unis la Semaine sans écran,
Screen-Free Week, soit une décennie après la création de la Semaine sans télé, la TV Turn-Off Week.

La veille de l’ouverture du Congrès de fondation, le Réseau comptait déjà plus de 450 membres, y compris les associations québécoises et françaises Edupax et Alerte-Écrans. On peut adhérer au Réseau en complétant un formulaire en ligne. Une bibliothèque en ligne permet d’accéder gratuitement à plus de 80 ressources.

L’événement
Le congrès de fondation a débuté le vendredi 20 avril 2018 au matin. Il s’agissait du premier regroupement états-unien dédié spécifiquement au temps-écrans des enfants. Plus de 180 praticiens et intervenants se sont réunis pour apprendre les uns des autres et pour préparer le terrain pour un vaste mouvement visant à changer notre façon de voir la relation entre enfants et technologie.
On peut consulter en ligne le
programme et la liste des conférencières et conférenciers. On peut aussi avoir accès aux enregistrements vidéo de plusieurs conférences en consultant cette page web et en déroulant la colonne de droite.

Résumé de quelques-unes des conférences

*Douglas Gentile, This Is Brain Science : Multiple Effects of Media on Children.
Le réputé chercheur Douglas Gentile a partagé avec l’auditoire les fruits de ses travaux scientifiques concernant l’influence des écrans sur le cerveau ! Il a démontré, études à l’appui, que les contenus violents et les écrans dans la chambre de l’enfant sont deux pratiques nuisibles auxquelles les parents peuvent mettre fin immédiatement. On peut voir la vidéo de sa conférence en ligne et consulter son
diaporama.

Josh Golin et Jenny Radesky ont passé en revue les divers stratagèmes utilisés par les médias et les marketeurs pour tirer profit de l’attention des enfants. Desa applications ont été conçues pour intégrer les tout-petits à la culture du commercialism et du materialisme.  David Monahan et Sriram Madhosoodanan ont poursuivi en démontrant comment les publicitaires ont obtenu un accès sans précédent grâce aux portables et aux tablettes. Ils ont expliqué comment les politiques crées pour protéger les enfants du harcèlement publicitaire sont devenues obsolètes depuis l’avènement d’Internet.

*Jenny Radesky E-books, Tablets, and Parent-Child Social-Emotional Engagement

/ Livres électroniques, tablettes, et engagement socio-émotionnel parents-enfant).
Cette conférencière a traité un thème à double volet: la commercialisation des applications destinées aux enfants et l’impact des livres électroniques sur leur développement. Elle et Josh Golin ont attiré l’attention sur la multitude de façons utilisées par les médias destinés aux enfants pour servir les intérêts des annonceurs, en commençant par les applications pour les tenter, les préparant ainsi aux applications pour faire des achats et les initier au mercantilisme et au matérialisme.

Techniques addictives de la Silicon Valley pour augmenter le temps-écrans des enfants et l’usage de la psychologie pour les manipuler.
*Richard Freed est l’auteur du livre The Tech Industry’s Psychological War on Kids. /(La guerre psychologique des industries numériques contre les enfants) Le professeur Loys Bonod a traduit et mis en ligne l’article de Richard Freed avec l’autorisation de l’auteur. Les nouvelles technologies en guerre contre nos enfants. Comment on a fait de la psychologie une arme. Le texte décrit comment la psychologie est devenue une arme pour exploiter les vulnérabilités de ceux qu’elle avait pour mission de soigner.

*Criscillia Benford, It’s Not You, It’s Your Phone: Talking with Parents and Their Children about Persuasive Design. (Ce n’est pas ta faute mais celle du téléphone : expliquer aux parents et aux enfants le Design persuasif, une stratégie de séduction déloyale). Madame Benford a encouragé les intervenants auprès des familles à intégrer des explications sur la configuration pernicieuse (et perverse) des stratégies numériques.

*Meghan Owenz, créatrice du programme SPOIL

Les intervenants auprès des parents ont apprécié la conférence de Madame Owenz et son approche
SPOIL, qui met l’accent sur l’augmentation des activités positives comme stratégie parentale visant à réduire le temps-écrans. SPOIL est l’acronyme de Social, Play, Outdoor, Independent, Literacy. /Socialiser, Dehors, Indépendance, Litéracie. La conférencière a incité les praticiens à consacrer plus de temps à conseiller les parents sur les alternatives aux écrans plutôt que sur la restriction du temps-écrans.

*Nancy Carlson-Paige, auteure de Taking Back Childhood : A Proven Roadmap for Raising Confident, Creative, Compassionate Kids. / (Reconquérir l’enfance : une feuille de route éprouvée qui permet d’élever des enfants confiants, créatifs et compatissants). Alors que des conférences expliquaient comment réduire le temps-écrans, Nancy Carlson-Paige a passé en revue les raisons fondamentales qui nous incitent à le faire. Elle avait intitulé sa conférence : Young Children and Technology: Risks and Hopes / Les tout-petits et la technologie : risques et espoirs. Son texte est consultable en ligne : Supporting Young Children’s Optimal development in the digital age / (Soutenir le développement optimal de l’enfant dans une environnement numérique). Elle a partagé avec l’auditoire des anecdotes démontrant la pertinence et l’importance d’activités créatives variées pour améliorer le bien-être de l’enfant aux plans émotionnel, physique, social et intellectuel, ce qu’aucune application numérique ne peut ni ne pourra remplacer.

*David Monahan, administrateur de CCFC, et Sriram Madhosoodanan, expert en imputabilité corporative
Ces deux conférenciers ont discuté devant l’auditoire de la facilité pour les marketeurs d’accéder au cerveau des enfants et expliqué comment les intervenants auprès des enfants peuvent réagir. Leur intervention conjointe s’intitulait : On the Front Lines: Using Your Knowledge and Passion to Effectuate Change / Avant toutes choses, utilisons nos connaissances et notre passion pour procéder au changement.

*Matt Miles et Joe Clement, co-auteurs de Screen-schooled / (Scolarisation sur écran)
Le titre de leur conférence :
Moving Forward with Real Solutions in our Schools / Aller de l’avant dans nos écoles avec des solutions réelles. Ils sont co-auteurs d’un livre où ils expliquent comment éviter de se laisser berner par des promesses alléchantes et fallacieuses des marchands de technologies soi-disant éducatives. Ces deux professeurs d’une école secondaire de Virginie ont résumé des passages de leur livre et fourni aux participants plusieurs bonnes raisons de refuser l’invasion de certaines technologies dans les écoles. Ils ont brossé un portrait inquiétant des habiletés sous-développées chez les adolescents, compétences qui leur feront défaut dans la vie réelle quand les écrans auront réussi à gérer leur vie. Leur conférence a donné lieu à la formation d’un groupe de travail “Écrans à l’école.” L’intrusion du numérique dans le monde scolaire a besoin de balises. Leur diaporama est en ligne.

*Jacques Brodeur. Déconnexion numérique dans les écoles et collèges de France
Étant donné que les enseignants composaient une bonne partie de l’auditoire, le comité organisateur pris soin de toucher des aspects du numérique qui concernent divers groupes d’âges, des tout-petits jusqu’aux adolescents. C’est ainsi que le Défi 10 jours sans écrans vécu en
France s’est retrouvé au programme du congrès de Boston. Le diaporama est en ligne sous le titre original: Digital Disconnect: Teens Agreed to Participate and Survived. /Déconnexion numérique : des ados ont accepté de participer et ils ont survécu. L’exposé a porté sur les centaines d’établissements où l’on a organisé le Défi sans écrans en France depuis 2008. Au cours des années 2016, 2017 et 2018, 25 collèges de Vendée ont proposé le Défi à 7 000 ados. Quelles raisons ont motivé les autorités des collèges à proposer la déconnexion à leurs élèves? Quels effets ont été constatés? Quelles sont les conditions à réunir pour augmenter les bienfaits? La déconnexion numérique constitue un exploit pour des ados du 21e siècle.

*Sharon Maxwell et sa fille Chelsea. Who’s Raising Our Kids: Nurturing Human Values in a Snapchat World. / (Qui élève nos enfants? Nourrir les valeurs humanistes dans un univers Snapchat).

Jamais auparavant la technologie s’est-elle incrustée aussi profondément dans nos vies, à la minute près. Les médias sociaux et les smartphones ont envahi le paysage où les ados se définissent eux-mêmes, développent des relations, et « comprennent » l’amour et l’intimité. Dans ce contexte en perpétuel changement, les règles n’existent pas et les jeunes ne reçoivent pas de conseils pour se comporter ou naviguer dans ce monde eu égard à eux-mêmes ou aux autres. Sharon et Maxwell ont exploré l’impact des réseaux sociaux sur les ados et proposé aux parents des stratégies qui priorisent les valeurs humaines dans un monde où le numérique envahit l’espace.

*Victoria Dunckley, auteure de
Reset Your Child’s Brain / (Réinitialisez le cerveau de votre enfant)
La conférencière a rappelé aux parents et aux praticiens que les adultes sont des modèles pour les enfants et que les changements commencent avec les petits gestes des mamans et des papas. Elle avait intitulé sa conférence
The over stimulated Child / L’enfant sur-stimulé. Elle suggère notamment aux parents de montrer l’exemple en s’engageant à limiter l’utilisation des écrans en présence des enfants. Par exemple, pas d’appels entre 17-18 heures. Lorsque maman ou papa dérogent, ils versent un dollar dans une cagnotte familiale. Les enfants constateront et comprendront que leurs parents ont eux aussi besoin de se fixer des limites, et ne se contentent pas de réprimander quand ils recourent à leur outil technologique.

Pour clôturer le congrès
Le comité organisateur avait fait appel à l’auteure, comédienne et humoriste Paula Poundstone, Ses remarques sur la tyrannie des divertissements numériques ont été à la fois profondes et hilarantes. Paula a remis au comité organisateur les revenus de la vente de son livre. The Totally Unscientific Study of the Search for Human Happiness. /Étude totalement non-scientifique sur la recherche du bonheur humain.


Plusieurs autres conférences et ateliers ont été présentés. On peut consulte la liste complète et les descriptifs en anglais
en ligne ici.

Conclusion
Un vibrant esprit de collaboration a teinté cette rencontre historique de deux jours à laquelle 180 personnes ont participé. Parmi ces personnes, plusieurs avaient suivi les travaux des autres au cours des années précédentes. Le public a apprécié le fait que des facettes variées de la réduction du temps-écrans aient pu être abordées—contribuant ainsi mieux à la compréhension que l’enjeu du temps-écrans ne se limite pas aux faits divers sensationnels ou alarmistes rapportés dans les grands médias.

Traduction et adaptation : Jacques Brodeur, 3 août 2019

P. s. On peut adhérer sans frais au Réseau d’Action sur le temps-écrans en complétant le formulaire d’adhésion en ligne .