Aux États-Unis, la déconnexion est réservée aux enfants riches

The New York Times Magazine traduit par Courrier International. Alors que de plus en plus d’enfants riches bénéficient d’une éducation fondée sur l’interaction humaine et le jeu loin des nouvelles technologies, les enfants pauvres se retrouvent vissés devant des écrans, à l’école comme à la maison.

Les parents d’Overland Park, dans la banlieue de Kansas City, en avaient assez. Ils voulaient que leurs enfants décrochent des écrans, mais ils avaient besoin de s’unir pour se sentir plus forts. D’abord parce que personne ne souhaite que son gamin soit le seul jeune un peu bizarre à ne pas posséder de téléphone portable. Ensuite parce que priver un collégien de son smartphone est vraiment très, très dur.

“Nous avons commencé nos réunions en se disant : ‘C’est difficile, on est dans un monde nouveau, qui va nous aider ?’, raconte Krista Boan, qui dirige le programme Start, acronyme de Stand together and rethink technology [“S’unir pour repenser la technologie”]. “Dans ce cas précis, il ne servait à rien d’appeler nos mères à la rescousse.”

Depuis six mois en effet, environ 150 parents d’Overland Park se réunissent le soir dans les bibliothèques scolaires de la ville pour ne discuter que d’une chose : comment amener leurs enfants à décrocher des écrans.

Fossé numérique

Il n’y a pas si longtemps, on craignait qu’en ayant accès plus tôt à Internet, les jeunes des classes aisées n’acquièrent davantage de compétences techniques et qu’il n’en résulte un fossé numérique. De plus en plus d’établissements scolaires demandent aux élèves de faire leurs devoirs en ligne, alors que seulement deux tiers des Américains ont accès au haut débit.

Mais aujourd’hui, alors que les parents de la Silicon Valley craignent de plus en plus les effets des écrans sur leurs enfants et cherchent à les en éloigner, on redoute l’apparition d’un nouveau fossé numérique. Il est possible, en effet, que les enfants des classes moyennes et modestes grandissent au contact des écrans et que ceux de l’élite de la Silicon Valley reviennent aux jouets en bois et au luxe des relations humaines.

Ce mouvement est déjà amorcé. Les écoles maternelles à l’ancienne, qui proposent un apprentissage par le jeu, sont en vogue dans les quartiers huppés, alors que l’Utah finance une école maternelle entièrement en ligne, à laquelle sont inscrits quelque 10 000 enfants. Les autorités ont annoncé que les écoles maternelles en ligne se multiplieraient en 2019 grâce à des subventions fédérales versées aux États du Wyoming, du Dakota du Nord et du Sud, de l’Idaho et du Montana.

Selon une étude de Common Sense Media, une organisation à but non lucratif qui surveille l’exposition aux réseaux sociaux, les jeunes issus de familles modestes passent une moyenne de huit heures et sept minutes par jour devant des écrans à des fins récréatives, alors que la durée est de cinq heures et quarante-deux minutes chez des jeunes plus aisés. (Cette étude a pris en compte chaque écran séparément, si bien qu’un enfant qui chatte une heure sur son téléphone tout en regardant la télévision est considéré comme ayant passé deux heures devant des écrans.) Deux autres études montrent que les enfants blancs sont beaucoup moins exposés aux écrans que les enfants africains-américains et latino-américains.

Et, selon les parents, il existe un fossé numérique croissant entre les établissements publics et privés d’un même quartier. Alors que la Waldorf School of the Peninsula, une école privée pratiquant la pédagogie Waldorf très cotée chez les cadres de la Silicon Valley, interdit la plupart des écrans, l’établissement voisin, le collège public Hillview Middle School, met en avant son programme d’enseignement sur tablettes.

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