Comment les géants du Web capturent notre temps de cerveau

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La prochaine fois sera la bonne. Nouveau coup de bec sur la petite assiette en plastique : aucune graine n’apparaît. Le pigeon retente sa chance, il veut sa récompense. Rien. La prochaine fois, peut-être ? Encore raté. Qu’importe, le volatile insiste, picore encore et encore, jusqu’à ce que la nourriture tombe du ciel. Complètement accro à cette loterie.

En délivrant à des oiseaux de laboratoire leur pitance de façon aléatoire, le psychologue B.F. Skinner a réussi, dans les années 1950, à conditionner leur comportement. Un de ses protégés a ainsi donné des coups de becs 2,5 fois par seconde pendant seize heures d’affilée, alors qu’il ne grappillait que des miettes.

Pauvres pigeons, si faciles à plumer avec leur cerveau de piaf. L’Homme ne se laisserait jamais berner si aisément. Vraiment ? Les ados américains consultent leur téléphone plus de 150 fois par jour, en moyenne. Selon une enquête menée en 2016 par Raphaël Suire (qui enseigne le management de l’innovation à l’université de Nantes), 75 % des étudiants français interrogés sont pendus à leur smartphone dès le réveil. Plus éloquent encore : plus de la moitié d’entre eux déclarent le faire mécaniquement, bien conscients d’être addicts.

« Sur son lit de mort, personne ne se dit : “J’aurais aimé passer plus de temps sur Facebook”, note sur Usbek & Rica James Williams, qui a travaillé pendant dix ans à la définition de la stratégie publicitaire de Google. [Pour autant], les technologies numériques capturent notre attention chaque jour, le temps qu’on leur consacre est incroyable, et ça ne fait qu’augmenter. » A tel point que le directeur de Netflix assure, ne plaisantant qu’à moitié, que le seul concurrent de son entreprise est… le sommeil des consommateurs.
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